La pute ou la sainte
Je ne sais pas vous,
Mais moi, depuis l’adolescence, en tant que femme, j’ai toujours ressenti être soit l’une, soit l’autre.
En couple, j’étais la sainte.
Je ne sortais pas trop, j’étais sage, j’étais posée, casée aux yeux de la société.
Dans les clous. Dans les rangs.
Je m’habillais même différemment, je prenais moins soin de mon apparence.
Comme si, ça y est, je n’avais plus besoin de m’en préoccuper.
Dans le regard des gens, de mes proches, de mes parents, je voyais bien que j’étais cette fille stable qu’ils attendaient.
Célibataire, par contre, j’étais la pute.
Je ne l’ai pas été longtemps, pourtant ça a suffit.
J’étais jeune, et j’ai voulu m’amuser. Essayer, expérimenter, vivre, sortir.
J’ai eu pourtant peu d’expériences - bien moins que certains hommes que j’ai fréquentés par la suite, mais c’était déjà trop.
Parce que j’étais à l’aise avec mon corps, parce que je m’assumais, parce que je n’étais pas casée et que je batifolais.
Mais je vois l’inverse aussi.
Des copines célibataires qui passent pour les saintes. On les félicite de ne pas avoir eu beaucoup de relations, de s’être « préservées », de se respecter.
Et alors vraiment je m’interroge.
Je m’interroge sur ce dilemme dans lequel nous sommes prises et enfermées.
Cette absence de juste milieu dans lequel nous sommes vouées à évoluer, en tant que femme.
Car ce qui me frappe - et m’a toujours frappé, c’est cette contradiction sur ce que veulent profondément les hommes :
D’un côté, beaucoup veulent une femme qui n’a pas eu énormément de relations intimes. C’est en tout cas préférable.
Car elle aura alors plus de valeur à leurs yeux, sera plus respectable, sera plus présentable à sa famille.
Une sainte, en somme.
Mais d’un autre côté, ils cherchent aussi une femme à l’aise avec son corps, sauvage, un « bon coup », qui n’est pas timide, qui prend les devants dans l’intimité et qui satisfasse leurs désirs les plus fous.
Ce qu’ils appellent une pute.
Je l’ai même vu dans mes relations. Une, précisément.
Dans laquelle mon copain me traitait de pute pour avoir eu des relations intimes avec (ce qu’il considérait comme « trop ») de garçons avant lui.
Mais qui, par la même occasion, me reprochait de ne pas vouloir satisfaire tous ses désirs au lit et de ne pas être assez dévergondée.
D’être trop prude.
De ne pas être comme certaines filles qu’il avait rencontré en soirée et avec qui il avait pu assouvir ces besoins précis.
Mais alors je me demande vraiment, comment se sortir d’un tel piège duquel il n’y a aucune sortie ? Aucun échappatoire?
On est soit l’un, soit l’autre, soit les deux à la fois.
Un autre de mes copains avait même justifié de m’avoir trompé car, « au moins elle, elle faisait ça ».
Quelle issue y a-t-il à ça ?
Bien sûr ce sont des généralités, et surtout des réflexions issues de mes expériences personnelles, forcément biaisées.
Je suis intimement convaincue que beaucoup d’hommes ne réfléchissent pas comme ça, et heureusement.
Néanmoins je pars du principe que si je me suis retrouvée coincée dans cette situation, je n’ai pas du être la seule. C’est pour cela que je tiens à en parler.
Et c’est encore un sujet qui me perturbe. Parce que je pense qu’il ne sert personne. Ni les femmes, ni les hommes.
Ni les femmes, pour des raisons évidentes.
Ni les hommes, car ils ne peuvent qu’être déçus s’ils ont de telles attentes.
Comme je l’ai souvent entendu dire, « Une blonde pour une nuit. Une brune pour la vie ».
Mais s’ils ont la blonde, ils voudront se caser avec la brune.
Et s’ils ont la brune, ils voudront batifoler avec la blonde.
Car on leur a fait croire qu’une femme ne pouvait pas être les deux à la fois. Et car les femmes, je crois, ne s’autorisent pas toujours elles-mêmes à être les deux à la fois.
J’ai mis tellement de temps à comprendre - et c’est toujours en cours, que nous pouvons être les deux opposés à la fois.
Que nous avons ces deux parts en nous : une part sauvage, libérée et sensuelle ; et une autre part sage, douce et sensible.
Cela ne fait pas de nous quelqu’un de paradoxale ou que sais-je. Cela fait seulement de nous quelqu’un qui assume toutes les facettes de sa personnalité.
L’un n’annule pas l’autre. Les deux coexistent.
Il suffit seulement de leur laisser la place de s’exprimer.
Et je crois que plus on se l’autorise, plus les autres autour réalisent que c’est possible. C’est comme leur montrer que c’est possible. Leur donner l’autorisation.
C’est en tout cas celles qui se le sont autorisées qui m’ont tant inspirées.
J’espère que ces lignes vous auront interpellées. Plus qu’un sujet tabou à aborder, j’aime croire que c’est une ode - en tant que femme, à accepter notre dualité et à l’embrasser. Afin que notre relation aux hommes soit plus apaisée.
Si c’est le cas, laissez-moi un doux commentaire, je les lis tous.
Je vous embrasse fort,
À mardi prochain,
Florine