Je ne suis pas assez 

À mes 16 ans, avec mon premier copain, j’avais l’impression d’être coincée.

De ne pas assez sortir, pas assez fumer, pas être assez dévergondée. 

À mes 20 ans, avec mon second copain, j’avais justement l’impression d’être trop dans l’excès.

De ne pas être assez sage, pas assez posée.

Pas assez citadine, pas assez éduquée, pas assez cultivée. 

À mes 25 ans, avec mon troisième copain, j’avais l’impression de ne pas être sportive, pas assez aventurière, pas assez proche de la nature.

J’avais l’impression d’être trop citadine, trop pincée, trop précieuse. 

Aujourd’hui à mes 27 ans, avec mon copain actuel, je retombe dans les travers de ma toute première relation.

J’ai l’impression de ne pas assez sortir, de ne pas écouter la bonne musique, de ne pas être assez ouverte.

D’être trop posée, trop calme. 

Dans toutes mes relations, à chaque fois, j’ai tout fait pour améliorer ces points. M’adapter.

Être la personne que je voulais être pour eux. 

Un coup j’ai fait en sorte d’être plus citadine. 

Un autre j’ai tout fait pour être plus aventurière, plus proche de la nature. 

Un coup j’ai fait en sorte de plus sortir, être plus extravertie. J’ai fumé même si je n’aimais pas ça. J’ai bu plus que de raison, pour être « fun », « cool », aux yeux de ce garçon. 

Et un autre coup j’ai tout fait pour être la fille posée, calme, qui ne sort jamais le samedi soir. Qui ne fume pas. Qui est discrète et sage. 

Mais à chaque fois, ça n’a jamais suffit. 

Ça n’a jamais suffit parce que je vois bien qu’encore aujourd’hui, je ne me sens pas assez. 

Pas assez drôle.

Pas assez extravertie. 

Pas assez dans les sorties.

J’ai toujours cru que ça avait quelque chose à voir avec l’homme que j’avais en face, et ce qu’il me faisait ressentir. 

Mais je réalise aujourd’hui qu’en réalité, ça ne vient que de moi.

Que de ma sensation constante de ne pas être assez. 

Quoi que je fasse, je ne me sentirai jamais assez

Il y aura toujours une femme plus sportive que moi. 

Une femme qui écoute plus de techno que moi. 

Une femme qui sort plus que moi. 

J’essaye désespérément de coller parfaitement à l’homme que j’ai en face de moi, de remplir tous ses critères - qu’il ne m’impose même pas mais que je m’impose moi-même. 

Inconsciemment, j’ai l’impression que c’est comme ça qu’il m’aimera.

Qu’il ne me quittera pas. 

Pourtant je crois que c’est l’inverse qui se produit : je me travestis.

Je deviens quelqu’un qui s’adapte.

Qui change en fonction de qui elle a en face.

Un mécanisme de survie, bien ancré, pour plaire et être acceptée. 

Mais en essayant de plaire à chacun de mes copains je crois, au fond, que je ne plais à personne.

Et surtout pas à moi-même. 

Car qui je suis, au fond, si je me travestie sans cesse ? Si je m’adapte sans cesse ? 

Je ne me sens assez auprès d’aucun homme, car je ne me sens pas assez auprès de moi-même. 

Quand je rencontre une femme qui a ce que moi-même je n’ai pas (ou que je considère que je n’ai pas), et que ce trait de caractère, de personnalité est quelque chose qui plaît à mon copain, alors je me compare.

Je rentre dans un fouillis mental. 

J’essaye d’être comme elle.

Parce que je me dis que c’est de cette façon, que je garderai celui que j’aime. 

Mais j’ai beau tout faire, j’ai beau essayer d’être la personne la plus belle, la plus sportive, la plus apprêtée, la plus aventurière, la plus drôle, ce ne sera jamais assez.

Car tant qu’il y aura ce vide à fond de moins, il ne sera jamais comblé.

Et certainement pas par des choses qui ne m’appartiennent pas mais que j’essaie de m’approprier - pour plaire à quelqu’un d’autre. 

Tant qu’il y aura ce vide, cette vibration de manque, de « pas assez », je n’oserai jamais m’assumer pleinement face à un homme et lui dire « Voici qui je suis. Et s’il y a des choses qui ne vont pas, tant pis. » 

Parce que j’aurai toujours l’impression de devoir m’améliorer, travailler sur moi, être meilleure.

Et c’est épuisant.

C’est épuisant de ne jamais se sentir assez.

De ne jamais se sentir suffisante.

Avec personne. 

C’est épuisant de se comparer constamment. D’être en alerte constante. « Untel a ça, je devrais lui ressembler ». 

C’est épuisant de ne pas s’aimer suffisamment. 

C’est dur à dire, c’est dur à écrire.

Mais plus qu’un manque de confiance en soi, c’est un manque d’amour de soi.

C’est une incapacité à se voir tel quel et à s’aimer ainsi.

C’est une incapacité à se sentir suffisante tel que l’on est.

Avec nos manques.

Avec ce qui n’est « pas assez ». 

Car il y aura toujours mieux :  

Il y aura toujours quelqu’un qui sortira plus. 

Il y aura toujours quelqu’un qui sera plus aventurière.

Il y aura toujours quelqu’un qui sera plus sportive. 

J’ai toujours cru qu’être la meilleure, dans le plus de domaines possibles, m’apporterait l’amour après lequel je cours tant. 

Mais je réalise qu’on n’aime pas quelqu’un parce qu’il est parfait.

Parce qu’il remplit tous nos « critères ».

Parce qu’il court 20km ou parce qu’il fait des randonnées chaque week-end.

Mais parce que cette personne est vraie, honnête, juste elle-même. 

Alors ce n’est pas gagné.

Je sais que ce sera un chemin long et douloureux, car fortement ancré.

Cette croyance de devoir toujours être la meilleure pour pouvoir être aimée. 

Mais j’essaye petit à petit de lâcher.

De me détacher.

Pas pour les autres, mais pour moi.

Parce que ça détruit, cette sensation dans les trippes de ne pas se sentir assez.

De se comparer.

Ça ronge de l’intérieur. Ça pourrit. Et ça ne fait que détruire les relations que l’on essaie pourtant tant bien que mal de construire. 

Je ne crois pas qu’un jour je me sentirai 100% confiante, jusqu’à la fin de ma vie.

Je suis convaincue que c’est un travail de chaque jour, de choisir de s’aimer.

Qu’il y aura forcément des moments où je me sentirai moins, ou pas assez.

Mais je crois que j’ai envie de me lancer. 

De choisir chaque jour de m’aimer. 

De me répéter chaque jour que je suis assez. 

De voir ma propre valeur, et de la célébrer. 

Le couple est un chemin initiatique qui, je trouve, met en exergue nos plus profondes blessures.

Il vient appuyer sur ce qui fait mal, sur nos douleurs les plus vives, sur ce qui nous fait trembler de rage. 

Il nous met en pleine face ce que l’on croyait avoir guéri, ce que l’on croyait avoir réparé.

Pour nous montrer qu’il reste encore des chemins à traverser.

Qu’il reste encore des blessures à libérer. 

Je crois à chaque fois que c’est un retour en arrière, mais c’est juste un niveau de guérison plus profond.

Plus intense, plus douloureux, mais parce que plus on avance en âge, plus on a les épaules pour accueillir toute cette souffrance.

Comme moteur d’évolution. 

On peut fuir, ou on peut décider de plonger dedans. 

Je vous embrasse fort,

À mardi prochain,

Florine

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