Moi aussi, je suis gênée quand je jouis (je vous parle de ce sentiment de honte qu’on ressent toutes)
En 3 ans, je crois que je ne me suis jamais autant déconstruite.
Sur l’intime, sur le plaisir, sur le désir.
En tant que femme, c’est important je crois, de comprendre que nous portons une telle honte sur nos épaules.
Une honte du plaisir, une honte de jouir.
Celle portée par notre lignée de femmes depuis des siècles. Parce qu’elles n’y avaient tout simplement pas droit.
Alors c’est notre rôle à nous, de nous débarrasser de ces casseroles.
De nous réapproprier notre corps, notre sexualité, notre plaisir.
J’essaye, depuis des années, mais il me reste encore à faire des progrès.
J’en parlais justement avec mon copain l’autre jour. On se demandait ce qu’il nous restait à déconstruire.
Et c’est ça, qui est venu instinctivement :
« Je suis gênée quand je jouis pendant nos rapports. J’essaye toujours de me cacher, de tourner la tête, pour que tu ne me vois pas ».
Ça, c’est de la honte. Pure et dure.
La honte de prendre du plaisir.
Mais aussi la peur d’être moche, d’être ridicule, d’être trop.
De prendre trop de place.
De profiter de quelque chose à laquelle on n’a pas le droit.
Je ne dis pas que c’est rationnel. Mon cerveau sait, pourtant, qu’il ne me jugera jamais.
Qu’au contraire, il prend du plaisir à me voir jouir face à lui.
Pourtant, instinctivement, je ne suis pas à l’aise. Je me demande à quoi je ressemble, je me demande si je n’en fais pas trop.
Mon cerveau se met en marche, à ce moment là, alors qu’il devrait normalement lâcher prise.
Parce que je crois que ça ravive des blessures si ancrées, si profondes, qu’elles n’ont d’autre choix que de sortir.
C’est tellement ancré, le fait de devoir être belle. En permanence.
En tout cas chez moi, c’est quelque chose d’omniprésent.
C’est l’héritage qu’on nous a léguées, en tant que femme.
« Sois belle et tais toi ».
Quand je pleure, je ne me trouve pas belle.
Quand je suis en colère, je ne me trouve pas belle.
Quand je jouis, je ne me trouve pas belle.
Parce que je ne suis pas lisse.
Et puis la honte.
La honte de prendre du plaisir, alors que nos mères et nos grands-mères n’y ont pas eu droit. C’est inconscient, tout ça. Comme une sorte de culpabilité. « Pourquoi moi? ».
La honte de lâcher totalement prise.
La honte de s’offrir pleinement à cet homme en face.
Et la peur que ça engendre, inconsciemment.
Parce que rappelons-nous les abus qu’il y a eu - et qu’il y a encore, lorsque nous faisons totalement confiance à certains hommes.
En tant que femme, nous sommes nées pour être dans le lâcher prise. Et dans l’acte, ça se ressent encore plus.
Pour jouir, il faut lâcher.
Mais ça demande une telle confiance envers la personne qui est face à nous.
Ça nous demande de faire quelque chose que nous avons peur de faire, pour beaucoup : faire confiance à l’homme en face de nous.
Pas contre lui, mais contre tout ce que nous portons : nos blessures à nous depuis l’enfance, les abus, les agressions que l’on a subies.
Mais pas seulement. Aussi celles qu’on subit notre lignée de femmes.
Quand nous rentrons dans un rapport intime, nous arrivons avec tout ce bagage sur les épaules.
Alors c’est dur de s’ouvrir. C’est dur de s’offrir pleinement.
J’ai mis du temps à comprendre, que c’est normal de ressentir de la honte. Que ce n’est pas grave. Que c’est une émotion tellement propre à nous, en tant que femmes.
Et je crois que c’est celle que nous voyons le moins.
La colère, la tristesse, sont faciles à voir.
Mais la honte est si insidieuse. Si peu palpable.
Alors d’en avoir parlé déjà, ça m’a libérée d’un poids.
Je me suis sentie écoutée, comprise, et c’est déjà un grand pas.
Un pas vers la pleine sécurité.
Un pas vers le lâcher prise complet.
Être vue en train de prendre du plaisir, je crois que ça va être mon challenge de cette année.
Parce que ce n’est pas uniquement dans l’intime, si j’y réfléchis.
C’est aussi me sentir gênée de rire à plein éclats.
C’est aussi me sentir gênée de déguster un gâteau au chocolat.
C’est aussi me sentir gênée d’être si heureuse que mon cœur pourrait m’éclater au visage.
Comme si je n’avais pas le droit de l’être, tant que d’autres ne le sont pas. Comme si je prenais du bonheur à quelqu’un d’autre. Comme si c’était sale.
Je ne sais pas si vous avez déjà ressenti ça.
Je crois qu’on est des milliers de femmes, en réalité, à vivre ça.
À devoir s’excuser d’être bien traitée. D’être heureuse. De jouir. De prendre du plaisir.
Parce qu’on a en mémoire tous nos ancêtres qui n’y ont pas eu droit. Comme si on leur était redevables.
Car c’est grâce à eux, qu’on en est là.
Et puis quand on entend tout ce qu’il se passe, aussi, autour de nous. C’est normal d’avoir l’impression d’être dans notre tour d’ivoire. Et de nous sentir coupable.
C’est normal, mais ce n’est pas juste je crois.
Nous avons le droit de prendre du plaisir, sans que cela en enlève à quiconque.
Je crois qu’en écrivant ces lignes, j’essaye de me convaincre moi. Et j’espère vous convaincre aussi.
Parce que nous portons toutes, d’une façon ou d’une autre, cette honte, cette culpabilité, ce sentiment de redevabilité.
Et l’idée n’est pas de le nier. De faire comme s’il n’existait pas.
Mais au contraire, de le voir, de l’accueillir, et de le laisser passer.
Aujourd’hui, j’ai encore du mal à jouir sans être gênée d’être regardée. Mais je sais que ça va passer.
Je sais que derrière cette peur viscérale d’être vue en prenant du plaisir, un monde s’offre à moi.
Un monde avec un peu moins de honte, et un peu plus de légèreté.
J’espère que ces mots auront résonné,
Je vous embrasse fort,
À mardi prochain,
Florine